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... Carlotta en America del Sur ...
9 décembre 2002

Email Carlotta en America del Sur # 14

Lundi 9 décembre 2002, Salta (encore), Argentine.
Avant tout il faut que je déclare publiquement, et à "felui qui m'a malencontreufement caffé les dents" (événement que j'évoquais dans un de mes précédents message) : jamais, non jamais, je ne t'en ai voulu une seule seconde pour cet accident. Sans Yann, c'était une histoire oubliée et, s'il te plait, excuse moi d'avoir fais remonter de vieux souvenir qui, il est vrai, n'appartiennent pas qu'à moi.
Certains me demandent ce que je pense de la télé ici. Je dois avouer que je ne l'ai pas beaucoup regardé, mais que pour le peu que j'en ai vu, elle ressemble beaucoup à la nôtre. Enfin je veux dire, elle ressemble beaucoup à TF1, NBC, BBC, la Rai, TVE… Beuark ! Elle est pareille partout sur la planète, à quelques débilités près.
Une nuit j'ai rêvé de Sonia et Ben. Ils seront les premiers à qui je rendrai visite à mon retour à Paris. Dans mon rêve, il y a deux nuits, je les prenais dans les bras. Il y a des rêves qui sont courts mais qui réchauffent le cœur.
Pour tous ceux qui se demandent comment je fais pour écrire autant, j'ai plusieurs réponses : 1) avec un ordinateur, et mes dix doigts, ou plus précisément quatre doigts (mêmes les manchots peuvent : deux extrémités voire, une, suffisent pour taper sur un clavier)... 2) peut être que j'ai toujours voulu être écrivain et que je le serais un jour, même si je ne crois pas être en train de faire mon œuvre majeure... 3) peut-être que parler beaucoup est mon pire défaut ! 4) quatre heures d'Internet (un peu plus en prévision aujourd'hui) par semaine ce n'est vraiment pas grand-chose, vu la vie que je mène en ce moment... et c'est presque essentiel pour mon équilibre personnel (sinon j'oublierais comment on parle français), et effectivement les cybercafé n'ont plus tellement de secrets pour moi.
Yann m'a écrit... et je dois dire que je suis d'accord avec lui sur la culpabilité. Il faut que tous les ultras diplômés guadeloupéens (et même moins) qui vivent en France et s'y tuent au travail pour un confort de vie, retournent au pays et fassent bénéficier leur île natale de leur expérience technique, scientifique et professionnelle, prennent des risques en créant des entreprises là bas, et libèrent la Guadeloupe de sa dépendance économique ! Voilà des propos, qui devraient faire plaisir à Chawlie, avec une photo comme la dernière fois, ça fait un scoop au 20h de TF1, non ? Si vous voulez des idées d'entreprises à créer, faites appel à moi, j'en ai à revendre. Moi, si je ne rentre pas tout de suite, c'est parce que une licence de Lettres et un DEA de cinéma, cela ne sert à rien en Gwada, sinon à préparer une révolution culturelle, et il me faut plus d'expérience pour être prête. Mais j'y pense. Croyez-moi.
Ecrire "croyez-moi" est bien en contradiction avec ce que je vais dire ensuite, mais que voulez vous, mon deuxième pire défaut est de vouloir que les autres me croient... Ce qui me fait penser à une chanson de IAM, album "Ombre et lumière", "Vos Dieux ont les mains sales". Désolée pour tout ceux qui ne comprennent pas mes références, mais ça aussi ça fait partie de la culture, ça évolue en s'enrichissant de tout très vite, et mine de rien, c'est très personnel. Allez, petite explication, pour ceux qui l'ignorent encore (et il en a pas mal parmi mes lecteurs) : IAM est un groupe de rap marseillais dont deux des thèmes favoris est la religion et la culture, et dont une des chanson sur l'album sus cité, a pour refrain "j'aurais pu croire en ... mais voilà...".
Je pense que les initiatives personnelles valent toujours mieux que d'attendre que l'Etat y pourvoie. Même si c'est une bonne chose que dans notre doux pays la France, il puisse y pourvoir. La démarche participative vaut toujours mieux que l'assistanat.
Une bonne place dans une multinationale, ou dans la fonction publique, tout ça pour avoir une jolie maison, un gentil chien, une petite piscine, et des enfants pourris gâtés, qui perdent les valeurs essentielles du respect, et jouent les rebelles à l'école, juste pour faire comme à la télé. Ça c'est "l'américan dream". Ne pas se tromper de culture. Ce n’est pas parce qu'on a des états-uniens tous les jours chez nous par le biais de la télé, qu'il faut faire comme eux. D'autant que tout ça, c'est de la propagande, de la désinformation.
Tous les états-uniens que j'ai rencontrés se défendent d'appartenir à cette culture de la débilité matérialiste. Mais peut-être n'ai-je rencontré que des états-uniens fils de hippies (mouvement qui est né à San Francisco, Californie). Eux aussi luttent chez eux contre ce type d'engourdissement du cerveau, et de ramollissement des instincts humains positifs. Tout ça pour dire que parfois, il ne faut pas se fier à ce que l'on perçoit du monde, surtout quand c'est diffusé par les médias. Le monde est tout autre. Parfois moins rose. Souvent meilleur : parce que beaucoup plus riche, culturellement, entre autre.
C'est aussi pour ça que je voyage. Pour me décoller le cerveau de cette fiction virtuelle que nous vivons au quotidien, en occident, à travers toutes les images que d'autres fabriquent pour nous, et que nous consommons avec bien plus de foi, que nous ne devrions en avoir en nous même. Parce qu'il ne s'agit pas de "croire" mais de "se rendre compte de". Je ne "crois" pas en la "réalité que je perçoit", bien que je ne me fie qu'à mes sens (les six). Ce qui n'est ni de la phénoménologie (ne se fier qu'à ses sens et nier tout le reste), ni du nihilisme (nier toute "croyance" en la réalité). J'essaye de "savoir". C'est à dire d'avoir des certitudes, des convictions. Lesquelles évoluent à tout instant. Suivant mes expériences, mon ressenti (les émotions), et ma compréhension intellectuelle des choses.
Ce qui ne veut pas dire non plus que je sois une cartésienne. Descartes lui même n'était pas cartésien. On le réduit bien trop facilement au Discours de la Méthode, "je pense donc je suis" et la méthode de la table rase. Certains l'assimilent même par ignorance au "je ne crois que ce que je vois" du fameux Saint Thomas. Or son Discours de le Méthode n'est qu'une entrée en matière pour son œuvre fondamentale, et restée pour certains spécialistes, inachevée, bien que publiée, Méditations Métaphysiques. D'ailleurs s'il ne l'a jamais terminé c'est peut-être parce qu'il se laissait un peu trop aller aux éfluves canabiques des coffee shop en Hollande où il a fini sa vie, fuyant la répression royale contre le tabac en France. Petite parenthèse dont vous trouverez les détails dans Descartes et le cannabis, de Frédéric Pagès.
Au contraire, je ne pense pas qu'on puisse faire table rase de sa culture, son éducation, sa religion (celle qu'on a choisi, ou celle dont on est imprégné malgré soi), etc... Par contre, on peut apprendre à dompter ces facteurs qui interfèrent dans notre ressenti, notre jugement, nos décisions. On peut apprendre, non pas à les réprimer, mais à les connaître, les accepter, et vivre avec. L'idée, ce n'est pas d'atteindre le "savoir absolu", mais juste de se construire une perception individuelle, à mille lieux de celles que nous impose l'hyper communication du 21ème siècle.
Dans la mesure où l'Homme reste libre de ses choix, on peut adhérer aux messages de cette hyper communication, à ce que le rédacteur en chef de "Marianne" (revue hebdomadaire française), Jean-François Khan, et ses disciples, appellent la "pensée unique", mais encore faut-il être conscient de ce choix. Ce qui est loin d'être le cas pour la plupart d'entre nous. Nul n'échappe à son environnement. C'est l'interaction irrémédiable de l'Homme et de la Société (Karl Marx ?).
Simplement il s'agit d'essayer, encore essayer, toujours essayer,... essayer de se connaître (essayer de connaître les autres aide beaucoup pour cela), essayer de connaître le Monde, comment il fonctionne, apprendre à discerner le Réel du Virtuel (voilà un terme qu'Internet à vulgarisé et qui est bien utile...), et choisir sa Réalité.
Mais je m'aperçois, ce disant, que je suis cruellement "morale" (mon troisième pire défaut ?), et je ne voudrais pas que mon discours finissent pas rejoindre celui de BHL (Bernard-Henri Lévy, philosophe de comptoir français, qui aime à se mirer à la télévision et est tellement plein de bons sentiments, qu'il en oublierais de faire la révolution...) (Monsieur Lévy, si vous lisez cet email j'aimerais vraiment qu'on en discute un jour...). Car le plus important n'est-ce pas de faire la révolution ? Les petites révolutions du quotidien sont aussi importantes, sinon plus, que les révolutions "prétentieuses" des grandes idées, auxquelles personne ne comprend rien. La somme des petites révolutions font notre futur.
Avoir la prétention de croire que Monsieur Lévy lit mes emails : mon quatrième pire défaut.
J'ai rencontré deux personnes un peu intéressantes la semaine dernière. Deux hommes avec qui j'ai partagé un dortoir dans une auberge de jeunesse à Humahuaca, deux nuits de suite.
Le premier soir, il y avait donc un états-unien nommé Lucas, 29 ans. Sympa au premier abord, mais bizarre ensuite. Il s'est invité à ma table au dîner, et on a discuté de milliards de choses (politique (encore), culture, religion, voyage, littérature, cinéma...). Il était visiblement très cultivé (ou bien n'était-ce qu'une illusion). Pour vous faire le topo, c'est un grand blond mince et mal rasé, trop bien habillé pour voyager, c'est-à-dire portant exactement la panoplie du gars qui veut faire croire qu'il voyage : pantalons treillis d'aventurier de préférence vert-militaire ou beige-sable, chaussures de randonnées, sac à dos et tatouages aux normes des plus rependus (signes chinois dont lui même ignore la signification, reptiles et autres arabesques maories).
Mais sinon, il avait un discours intéressant, tout à fait à l'image du fils de hippie états-unien qu'il disait être. Il a habité New York ces trois dernières années, est de Boston en réalité, a étudié peu et travaille dans l'informatique. Il l'enseignait à des enfants, avant de partir à Buenos Aires. Il y a travaillé deux mois à enseigner l'anglais et profite des grandes vacances (en Argentine) pour voyager deux mois dans le pays avant de retourner travailler à Buenos Aires. Il m'a appris plein de chose sur Jack Kerouac (Sur la route) et William Burroughs (Festin Nu) qu'il dit avoir lu à l'âge de 10 ans, à cause, ou grâce à son père. Petits détails : il ne s'est pas douché parce qu'il n'y avait pas d'eau chaude, et était digestivement délicat, ne supportant pas la nourriture de la campagne. Trop dur pour un aventurier !
Mais bon voilà. Le lendemain je voulais aller dans un village à 80 km de là juste pour me balader, parce qu'il y avait de belles montagnes, il s'est incrusté à mon excursion improvisée, et n'a quasiment rien dit de la journée. Je n'ai pas compris. Quand on a été de retour à Humahuaca, il est parti à Salta et point barre. Il dit vouloir passer le nouvel an à Ushuaïa, oú il doit rejoindre des amis. Peut être le recroiserai-je, et aurai-je une explication (j'aime les explications !), mais entre nous, je suis à un stade de désocialisation tel que je m'en moque un peu (explication plus loin sur cette "désocialisation"... j'aime les explications !).
Le deuxième, je l'ai rencontré le soir suivant, toujours dans le même dortoir (le premier et le second ne s'étant pas rencontrés). Il est un argentin, de La Plata et s'appelle Léo. Je lui aurait facilement donné 29 ans tant il semblait brillant (et malgré une certaine impulsivité et un manque d'écoute), jusqu'à ce qu'il me révèle qu'il allait avoir 20 ans le 13 décembre prochain. Extrêmement cultivé, et intelligent. Etudiant en sociologie. Voyage seul pour mieux connaître son pays. Là encore nous avons parlé politique, culture, religion, voyage, littérature, cinéma.
Mais surtout, nous avons parlé de l'Argentine et de la révolution. Nous avons parlé du Ché et de la situation actuelle du pays. Et ce jeune homme de 20 ans était si pessimiste sur la faculté à réagir de son pays que j'en ai eu froid dans le dos. Il a dit que si Ernesto Guevara était encore vivant pour voir ce qui se passe dans son pays il se suiciderait certainement. Pour lui il n'y a pas d'espoir. Parce que les gens ignorent. Tout ce qu'ils savent dire c'est que le gouvernement est corrompu et que ça les dégoûte (ce que j'ai effectivement beaucoup entendu). Il pense que les forces de réactions sont divisées (Menen divise pour mieux régner ?). Il pense que les gens sont entretenus dans l'ignorance et paralysés par les contraintes économiques, ce en quoi il n'a pas tellement tort, mais son pessimisme m'a effrayé. Enfin. Lui en tout cas a bien compris la situation. N’est pas dupe, et je reste persuadée qu'il n'est pas le seul, et que quelque chose est possible... Mon éternel optimisme, qui en agace plus d'un, finira bien par me jouer des tours. C'est certainement d'ailleur mon cinquième pire défaut.
Mais ces deux rencontres furent très enrichissantes. Le fait est que je revenais tout juste de trois jour d'isolement dans les hauts plateaux andins, au bord d'une lagune merveilleuse, oú vivent des flamands rouge, blanc et rose (unique endroit du monde oú on voit ces flamands rouges et blancs), que j'étais vidée, car le silence pousse à l'introspection, et que l'introspection use spirituellement. Là haut je n'ai pu parler qu'aux lamas et aux flamands, et plus souvent aux lamas (si curieux) qu'aux flamands (si peureux). Je dois dire que ces trois jours à marcher, et à me taire (chose si rare : trop parler, un de mes pires défauts...), m'ont fait le plus grand bien. J'en suis revenue fatiguée physiquement, et plus forte que jamais psychologiquement. Et bizarrement, je n'ai pas eu l'impression de tellement penser. Les choses se sont faites en moi toutes seules. Il faut dire que j'ai bien galéré.
J'ai entre autre faillis mettre le feu à ma tente, en me faisant à manger trop près d'elle, pour me cacher du vent terrible qui soufflait sur le plateau. Il y a un moment, la fraction de seconde avant que je réagisse, et que j'y jette mes dernières gouttes d'eau, où j'ai vraiment cru qu'elle allait entièrement brûler. En fait c'est réparable. Je vais acheter un peu de toile de cirer et faire une pièce pour rafistoler. Plus de peur que de mal. Mais bon.
J'ai jeté mes dernières gouttes d'eau sur le feu. Après avoir essayé d'étouffer le feu avec mes chaussettes dégueulasse, comme ça au moins j'aurais été débarrassée de leur odeur. Du coup, je n'avais plus d'eau pour faire cuire mes pâtes. Mon denier repas près de la lagune. J'ai donc dû jeûner un peu plus de 24 heures. Et comme par hasard, le jour du retour, il faisait une canicule incroyable quand j'ai pris la route. J'ai cru mourir de soif au moins trois fois. Mais au bout des trois heures de marche, j'ai pu me réfugier chez le garde du parc, qui m'a offert l'eau en apparence peu potable de son puit
Et mes lèvres étaient au bord de l'hémorragie. Un sourire et ma peau éclatait, et le sang jaillissait dans le froid (-5°C la nuit, et +15°C le jour ensoleillé), et le vent. J'avais complètement oublié ma trousse de secours où se trouvait un tube tout neuf de crème réhydratant médicale. J'étais sur le point de me mettre des excréments de lamas sur les lèvres comme j'avais vu faire les vieux paysans du plateau croisés la veille sur la route, pour sauver l'état de mes lèvres. Maintenant, le moins qu'on puisse dire c'est que je sais cracher. Et je mets au défit le meilleur d'entre vous de cracher plus loin que moi. Car quand on a soif, et qu’on n’a pas d'eau, et que le vent est froid, la dernière chose à faire c'est d'avaler sa salive. Surtout quand avec les chauds et froids que vous avez enduré, elle commence à s'épaissir à en former une boule qui vous obstrue la gorge.
J'ai marché trois heures par jour avec mon sac dans le dos (ce qui n'est pas grand chose, j'en conviens) : trois heures aller, trois heures retour, et trois heures de balade autour de la lagune pour essayer d'approcher les flamands peureux. Et surtout, j'ai du endurer ma propre odeur pendant des heures. Car, qui dit camping sur un plateau désert, dit pas d'aire de camping organisée avec douches, toilettes et lave linge. En plus, j'étais partie de Salta lundi dernier pour trois jours et sans vêtements de rechange. Juste ma tente, mon sac de couchage, mon tapis de sol, des vivres et mon brûleur à alcool (super pratique soit dit en passant). Je ne vous raconte pas l'état de décomposition de mes chaussettes, à mon retour, sept jours plus tard. De quoi fournir en odeur toutes les fabriques de camembert pourri du monde entier. Mon odeur a certainement causé mon isolement relatif à l'auberge de jeunesse d'Humahuaca. Mais bon ça y est. Je suis présentable. Sinon je ne me permettrais pas de vous écrire dans cet état...
Après ces trois jours au bord de la lagune, je suis allée à Humahuaca où j'ai rencontré cet américain, puis cet argentin. Puis d'Humahuaca, ville vraiment touristique et réputée pour son artisanat,  je suis allée à Tilcara. J'y ai visité un musée sur les civilisations précolombiennes, avec tous les cartons d'explication en version originale non sous-titré, et j'avais oublié mon dictionnaire (qui de toute façon ne contient jamais les mots dont j'ai besoin). Conclusion je n'ai pas tout compris. A Tilcara, il y a les ruines reconstituées d'un village indigène. Un endroit extraordinaire. Ressourçant.
Là, je me suis installée en haut de la colline, j'ai aéré mes chaussures, mes chaussettes et mes pieds, et j'ai observé les groupes de touristes qui défilaient en fourgonnette, avec des guides menteurs, qui leur cachent la moitié de l'Histoire de ces lieux, et romance le reste pour entretenir le mythe de la civilisation disparue, privilégiant les détails comme leur taille (1m50 maximum) et oubliant l'essentiel, leur humanité. Ces touristes qui de toute façon n'écoutent que d'une oreille, et ne se soucient que d'avoir cinq minutes de plus pour faire des photos, devant le superbe panorama qu'offrent ces ruines sur cette colline. Enfin bon.
On ne peut pas les blâmer d'essayer, mais aucune des photos qu'ils font ne permettra aux gens auxquels ils les montreront de se rendre comte de la beauté du site. Aucune. Tout comme certaines choses sont indicibles, d'autres, des instants magiques, sont in-photographiables, et encore moins par des amateurs. C'est incroyable cette course à la possession d'image. Comme pour emprisonner, figer, ce qu'on n'aura jamais… Et dont on ne profite même plus du coup tant on est obsédé à l'idée de prendre la photo.
Dans un bus j'ai entendu une chanson de France Galle et j'ai pleuré. Pas parce que j'aime cette chanson. Mais parce qu'elle était en français. C'est pour vous dire à quel stade j'en suis de mon processus de désocialisation. Trois jours à 4000 mètres d'altitude avec les lamas et les flamands, et mon coeur est fébrile, tant j'ai conscience de qui je suis, et à quel point je suis un vulnérable, petit, minuscule, microscopique être humain. Et je vous rassure, ce ne sont pas les premiers symptômes du mal des montagnes. Je résiste très bien à l'altitude. Même quand je n'ai pas mangé pendant 24 heures.
Toutefois, pour le plaisir de goûter aux saveurs locales, je me suis acheté des feuilles de coca à mâcher, ce qui aide à lutter contre le mal des montagnes. La première fois, j'ai trouvé ça un peu fort, puis j'y ai pris goût. Bonjour les dents vertes après. Dans les Andes, ne dites pas "oh ! Tu as un bout de laitue, là, collé sur ta dent !", dites : " Toi, tu as mâché de la coca aujourd'hui".
De retour à la civilisation j'en ai profité pour faire de vrais repas. Quand on sait choisir dans le menu, la nourriture argentine n'est pas trop grasse. Il s'agit surtout de ne pas manger des pommes de terres frites avec la viande. Il y a toujours des crudités pour trois fois rien, et à volonté. Par contre, comme au Brésil, c'est difficile de trouver du piment. En Argentine, comme au Brésil, c'est la nourriture indienne qui est pimentée. Alors ici, dans le nord je me régale, même si leur piment est vraiment ridicule à côté du piment "je-ne-sais-pas-combien-de-courbouillon" de la Guadeloupe. Mais c'est déjà ça.
D'autre part cela semble une évidence, mais il ne faut surtout pas être végétarien pour voyager en Argentine. Rares sont les options sans viande dans les menus des restaurants. J'ai mangé du lama, après avoir passé trois jours à discuter avec eux, et je dois dire que c'est plutôt bon. C'est tendre et ce n'est vraiment pas fort. En apéritif, pour vous faire patienter, ils servent des poids chiches crus assaisonnés, parfois. Ça surprend la première fois, mais c'est bon.
Et puis je dois dire que s'il y a bien une chose que je mangerais plus en Amérique du sud, c'est du poisson. Au Brésil je n'ai rencontré qu'une seule personne qui a su en faire quelque chose d'original et de savoureux. Partout ailleurs, c'est un aller retour dans la farine, et hop, dans la friture ! Vraiment pas ce que je préfère. En Argentine c'est pareil. J'ai raconté à Léo, le jeune argentin, les quelques façons que je connaissais de cuisiner le poisson, et il a halluciné. Je suis au pays de la viande. Il n'y a rien à faire contre ça.
J'aimerais revenir sur mon chapitre de la langue, car avec mes problèmes d'envoi d'emails qui se perdent avec les coupures de courant et de communications téléphoniques,  j'en ai oublié un certain nombre de choses. Je commence tout juste à chasser les automatismes que j'avais pris avec le portugais brésilien. En espagnol on vouvoie ! Et j'ai du mal. En portugais aussi, mais en portugais brésilien pas vraiment. Et j'oublie souvent le "usted + 3e personne". Parfois cela surprend mes interlocuteurs. Cependant je ne dis plus "obrigado" à la place de "gracias", ni "tem" à la place de "hay", ni "tudo bem" à la place de "que tal". C'est une grande victoire pour moi. Et je dois dire que j'ai finis par retrouver mes instincts en terme de conjugaison. J'utilise même le conditionnel en espagnol quand le verbe n'est pas trop irrégulier.
Il faut dire que je lis en espagnol et ça aide. J'ai acheté un livre de Horacio QUIROGA, cet auteur uruguayen, ayant vécu en argentine, dont je vous ai parlé il y a quelques email. Ce sont des contes. C'est simple. Même si je le lis d'une main, le dictionnaire dans l'autre. Apres je m'attaquerai Borges. S'il est à ma portée en espagnol. Pour quelqu'un qui n'aime pas lire et crie sans cesse les louanges de l'image, je me surprends.
Petite info : le cours du Mac Do est à 6,15 pesos. Ce qui est plus qu'au Brésil, et carrément cher pour les gens ici. Il semblerait que 50 % des argentins vivent avec 150 pesos. Sur ces 50% certains vivent à la campagne et peuvent se débrouiller. Les autres vivent à Buenos Aires et dans les alentours dans la plus grande pauvreté.
Buenos Aires est pour la fin de mon séjour en Argentine, et je me demande de plus en plus si je vais y aller. Je vais peut être faire une déviation pour l'éviter, comme au Brésil avec Rio et Brasilia. En tout cas, j'ai hâte d'être en Patagonie (je ne me lasserais jamais de le répéter), et j'espère être à Ushuaïa pour le Nouvel An.
Hier j'ai vu un film argentin. Kamchatka (ou un truc comme ça), de Marcello Pideyrón. L'histoire d'un petit garçon et de sa famille fuyant l'oppression des dictatures violentes qui ont suivi le règne d'Isabella Perron dans les années 70. Réalisation très classique, mais tellement efficace. Le processus d'identification fonctionne à 400 % et j'ai sorti mon mouchoir. Ce film est très beau, bouleversant (autre façon de dire la même chose). A très bientôt, et encore merci pour vos nombreux messages, Chà !

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