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... Carlotta en America del Sur ...
29 novembre 2002

Email Carlotta en America del Sur # 10

Vendredi 29 novembre 2002, Salta, Argentine.
Je devrais peut-être intituler cet email "#11", car hier, j'ai passé trois heures à écrire un super long message avec images, et tout et tout, et juste avant de l'envoyer, il y a eu une coupure de courant dans le cyber café où j'étais, et paf ! J’ai tout perdu. Aujourd’hui je vais essayer de reconstituer ce message mais je n’ai pas le pep que j'avais hier !
Ce soir je suis à Salta. J'ai traversé l'Argentine dans sa largeur, des marécages du nord-est et de la province de Corrientes, pour rejoindre la Cordillère des Andes. Je ne suis pas encore tout à fait dans les nuages mais demain je devrais les approcher dangereusement, ou délicieusement, je ne sais pas encore...
Malheureusement, la période à laquelle je voyage dans cette région ne me permettra pas d'emprunter "el Tren a los Nubes" qui serpente dans les montagne jusqu’à la frontière chilienne à travers les plus beau paysage; son activité s'est arrêté pour les quatre mois de la période hivernale, il y a 15 jours ! Mais je vais faire le même chemin ou presque en voiture demain : j'ai réussi à négocier un prix extrêmement sympathique avec une agence : un coup de bol inouï !
Hier encore j'avais les pieds dans la boue et la tête sous la pluie. J'étais dans le Parc National d'Ibera, un "désert" d'eau, de marécages, d'îles flottantes de verdures (c'est pas des blagues : il y a vraiment des îles flottantes sur la lagune),  au centre duquel se trouve la lagune Ibera sur laquelle je suis allée faire un tour en bateau. Densité de population au kilomètre carré ? 0,05 êtres humains, 2 caïmans, 4 loutres, 50 oiseaux, tous différents... Un truc incroyable ! Il paraît que c'est le meilleur endroit du monde pour observer la faune. On m'avait parlé du Pantanal au Brésil. Je n'avais pas pu y aller : les excursions y coûtent les yeux de la tête... Et bien là j'ai été servie !
Bon. Je ne suis pas du genre à m'extasier sur les fleurs ou les oiseaux. Je suis même du genre plutôt froide avec ce qui ne parle pas le même langage que moi. Mais là ! Néanmoins, la première fois où j'en suis arrivée à verbaliser mes émotions à l'égard d'une bestiole, depuis le début de ce voyage, c'était lors de ma visite des chutes d'Iguazu, côté argentin, quand j'ai vu un toucan, un vrai, avec son beau bec jaune orangé. Je suis restée immobile dix minutes, de peur qu’il s'en aille, et je l'ai regardé avec des yeux écarquillé. Cet animal est vraiment magnifique.
Dans ce parc tout est très sauvage. Il y a très peu d'hébergements possibles et un seul minibus qui fait le trajet une fois par jour dans chaque sens, pour les gens qui y vivent. La route pour y aller est en terre et au milieu des champs encombrés de boeufs et de moutons, avec tous les 20 km l'entrée d'un "ranch". L'Argentine c'est le Far West. Ses cow-boy, les gauchos, ont un look un peu différent de ceux des USA mais l'ambiance dans les petits villages, comme celui de Mercedes à partir duquel on va dans ce parc, est vraiment très "western"... western sud-américain. Larges rues de terre maron et de pousière, balayée par le vent. Rares êtres humains dans les rues, ou qui rasent les murs…
Près de la Laguna Ibera, j'ai donc dormi deux jours dans une petite chambre d'hôte pas chère, dont la propriétaire Anna-Maria est aussi professeur de math à l'école d'à côté. Elle est arrivée dans ce bled, il y a cinq ans. Elle devait y rester 2 mois. Elle y est toujours. Elle est très accueillante, très chaleureuse, même si je n'ai pas trop eu l'occasion de parler avec elle, parce que le jour elle travaillait, et que moi la nuit je dors. Surtout depuis le début de ce voyage : je suis au lit avec les "chickens" et me lève avec les "chickens". Cependant Anna-Maria abrite chez elle un ami, César Octavio Portavel. Une vraie pipelette ! En deux jours de séjour je connais toute sa vie.
Face A : le personnage. Il est d'une famille très riche de Buenos Aires. Mar del Plata, plus précisément, la banlieue huppé, le Neuilly porteños. Il s'est réfugié ici pour se reposer et écrire. Car sa nouvelle profession, après avoir été diplomate toute sa vie active, c'est écrivain. Il a gagné un concours de pièce de théâtre de la Fondation des Nations Unies et depuis a écrit deux livres qui ont été publiés. Il a étudié la diplomatie dans une école militaire, puis les sciences politiques à l'université, mais aussi la psychologie (une erreur de parcours à son sens, mais il était tellement bon élève qu'il s'ennuyait en ne suivant qu'un seul cursus). Il a un bateau de six mètres et trois voiles qu'il pense mouiller dans la lagune Ibera prochainement. Il se dit monarchiste et déteste les communistes, parce qu'il aime son pays et ne veut pas qu'on lui impose ce qu'il doit faire. Il n'aime aucun extrême : ni les nazis, ni les communistes. Il donne bénévolement des cours de soutien à des enfants de l'école toute proche. Il joue au tennis en première catégorie. Et joue au ping-pong quand il est à Ibera, même si ce n'est pas bon pour un tennisman de jouer au ping-pong, ce dernier demandant plus de souplesse au poignet. Il fait aussi de l'escrime, du fleuret.
Face B : la famille. Il a un cousin qui vit à Paris. Sa soeur vit à Florence. Elle aussi a un bateau. Et une villa à Mar del Plata. Il aurait pu aussi voyager en Europe grâce à son métier mais il ne l'a jamais fait car quand on le lui a proposé, son père venait de mourir et sa mère, malade, avait besoin de lui à ses côtés. Sa soeur est styliste pour une maison de haute couture et a aussi sa propre ligne. Il a une cousine qui est marié à un ingénieur en géophysique, mais son comportement le laisse penser qu'il est espion... Il ne parle pas beaucoup de son père. Mais son grand père maternel a obligé sa fille a faire du piano (ce qui a été une réussite) et son fils a faire du violon, ce qui a été un désastre dans la vie de son oncle, devenu amiral dans l'armée par la suite. Ce dernier aurait d'ailleurs lui aussi pu travailler dans les services secrets mais il a refusé car alors, le ministre des affaires de ce genre était de centre gauche, la vermine de la politique. Sa mère était pianiste concertiste professionnelle, n'aimait que la "vraie" musique classique, les valses de Strauss n'en faisant pas partie, et celle de Chopin oui, car elles ne peuvent pas se danser, si vous voyez ce que je veux dire. Elle était aussi monarchiste et il reconnaît qu'elle était particulièrement extrémiste. Elle était une baronnes milanaise parait-il. L'année dernière a été une année noire pour lui : il a perdu sa mère et son chien.
Voilà. Vous en savez autant que moi. Après vous remettez la face A du disque et vous tournez en rond ainsi de suite. J'ai entendu tout ça 3 ou 4 fois en 48 heures. Mais cela ne m'a même pas énervé, cela m'a plutôt attendrie. Je crois que César sera, sinon le héros, au moins un personnage d'une pièce de théâtre qui me trotte dans la tête depuis que je l'ai rencontré. Cela traitera du côté dérisoire et exceptionnel de l’expérience humaine.
Il a aussi quelques anecdotes culturelles. Sur la lutherie par exemple. Peut-être ma sœur adorée, luthier de son métier, la connaît-elle déjà. Saviez-vous que Guarneri, qui était un ivrogne, mais aussi très croyant, mettait toujours au fond de ses violons une croix du Christ et les initiales HJCS de l'expression latine fort connue, et en rapport avec le Christ, et dont je ne me rappelle plus la signification. Vous saurez comment reconnaître un violon du célèbre luthier crémonais, quand vous en verrez un... ce qui n'est pas demain la veille, et puis à mon avis les copiste ont pensé à ce détail !
J'ai rencontré aussi un gaucho saoul qui croyait que j'étais brésilienne (je commence à avoir l'habitude) et qui voulait que je l'emmène avec moi. Mais bon. Je n'ai pas compris grand chose à ce qu'il me disait, mise à part "te quierro".
L'Argentine a aussi un espèce de côté rétro. Comme je disais les voitures datent de la cinglinglin et roulent très bien, les agences qui vendent les tickets de bus gèrent tout manuellement, mais le plus amusant je crois c'est de voir les écoliers et écolières en tablier blanc ainsi que le professeurs. Je ne sais pas pourquoi et comment les tabliers ont été abolis en France, mais c'est trop drôle à voir. Les écoles qui n'ont pas de tabliers ont un uniforme : petite jupe plissée, chaussette chaudes et hautes, mocassins, chemisiers cintrés et noeuds papillons. On se croirait dans un film des années 50.
C'est vraiment étrange comment le Brésil est moderne comparé à ce que j'ai vu de l'Argentine jusqu'à présent. Les bus par exemple. En 40 jours au Brésil je n'ai eu qu'un seul billet manuel, un seul bus en retard (et c'était d'ailleurs une vraie épreuve, le chauffeur oubliait des passagers à chaque arrêt, sur un trajet de 30 heures qui en a fait finalement 35), des bus quasi neufs et nickels, du genre" que-tu-as-peur-de-salir"... Ici les bus datent, ils sont toujours en retard, au départ ET à l'arrivée. Et oh miracle ! Ils le savent si bien qu'ils font des correspondances de 3 heures et on ne peut pas les rater. Il y a un service de restauration à bord sur les longs trajets, mais pas de couvertures et d'oreiller à disposition des passagers. Et puis si on n’a pas de chance le bus est surbooké et on voyage debout. Et pour couronner le tout, il est bloqué pendant une demi heure par une manifestation, ce qui peut se comprendre toute fois, étant donné la crise que traverse le pays.
Les régions que j'ai traversées jusqu'ici, en Argentine, semblent être les plus pauvres. Il y a beaucoup d'enfant tous sales et pieds nus qui demandent "la monedita señora" dans la rue. Ce que je n'ai jamais rencontré au Brésil. Et la vie coûte vraiment cher pour les argentins en Argentine.
Pour ma bourse, c'est encore plus avantageux que le Brésil. Mis à part deux choses. Les photos. Et les timbres. Ne vous attendez pas à ce que vos amis argentins vous envoient des photos par la poste. S'ils ont les moyens d'en faire, ils préféreront les envoyer par email. Je me demande d'ailleurs comment je vais faire quand j'aurais fini mes pellicules noir et blanc. Une pellicule noir et blanc 400 ASA 24 poses, ici, non seulement c'est rare, mais en plus ça coûte 26 pesos : cinq repas dans un snack, deux au resto ! Une pellicule couleur 100 ASA 24 poses, 10 pesos. Le développement 20 pesos.
Sans compter qu'il faut encore que vous trouviez un labo qui vous fasse le travail correctement. J'ai fait développer mon appareil photo jetable. Celui avec lequel je fais mon expérience photographique (un truc conceptuel bizarroïde confidentiel). Ils m'ont bousillé le négatif. Soit ils l'ont exposé à la lumière (une caresse de lumière blanche...), soit ils ont foiré le bain de développement : tout le négatif est anormalement sombre et les photos qu'ils en ont tirées sont toutes bleues. Autant dire que je suis dégoûtée ! Et dire que je voulais en scanner quelques unes et les envoyer dans mon message. J'ai dis ses quatre vérités au responsable, mais il m'a vraiment prise pour une "c....", disant que c'était le jetable qui était trop vieux, que de leur côté, c'était la machine qui faisait tout, et qu'il ne pouvait pas il y avoir d'erreur. Et bla bla bla... A chaque fois que je lui démontrais un prétexte, il en trouvait un autre. Techniquement, si c'était moi qui avais foiré mes photos, en utilisant une pellicule inadaptée à la lumière de l'environnement dans lequel j'étais, comme il l'a prétendu, seule la surface exposée aurait été surexposée, c'est-à-dire, la pellicule brulée, or dans le cas présent, même la marge et la zone crantée était bleue. Il s'agit donc nécessairement d'un problème de traitement au développement. Bien sure, de mauvaise foi, il a refusé de me rembourser les travaux, et n'a fait aucun geste commercial. Ce qui de toute façon n'aurait pas réparé le gâchis. Mais on ne m'y reprendra pas.
A ce propos, certains voulaient savoir si je faisais des photos pour préparer un reportage, quel type de photo je fais et avec quoi. Je suis partie avec mon appareil photo reflex argentique, et avec, je ne fais que du noir et blanc, essayent de perfectionner mon peu d'expérience dans le domaine (moi qui aime tant la couleur...). Mais je ne fais absolument pas du photo-reportage. Je ne photographie les gens que quand j'ai déjà largement sympathisé avec eux et que l'occasion se présente, parce que je vois trop de touristes photographier les gens comme des animaux en cage sans leur demander leur avis, et je trouve ça plutôt malsain et impudique. Je photographie des paysages, et surtout des détails, des trucs abstraits et bizarres... essayant d'appuyer sur la gâchette le moins possible, avec pour objectif de ne faire que les photos auxquelles je ne peux pas résister, car si je m’écoutais je fairais deux pellicules par jour comme en Irlande. Résultat des courses, j'ai fait 5 pellicules à ce jour. Plus les photos couleurs au jetable. J'en suis au deuxième. Avec lequel je ne photographie que des choses très bidon.
Et bien, j'ai du mal à y croire. Je crois que j'ai réussi à réécrire tpiut ce que j'avais écrit le première fois dans ce mail et perdu à cause de la coupure de courant. Différemment bien sure mais tout de même. Avec du plus et du moins. Mais tout de même ! Il ne me reste plus qu'à vous dire à bientôt, gros bisous, Chà !

PS : ah j'oubliais, le bulletin de santé de "Fileas Fog", ou "Indiana Jones", suivant les surnoms que me donnent mes chers cousins : je n'ai plus mal au pied, je n'ai plus d'angine, la vie est belle !!!

PS bis : dans cette nouvelle version de mon email #10, je ne peux vous faire ni dessin, ni photo, car il n'y a pas les logiciels et le matériel qui s'y prêtent dans le cyber café où je suis.

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