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... Carlotta en America del Sur ...
25 novembre 2002

Email Carlotta en America del Sur # 9

Lundi 25 novembre 2002, Curuzu Cuatia, Corrientes, Argentina.
Il y a des jours avec et des jours sans. Dans ce courrier je vais vous raconter les "mésaventures de Carlotta en America del sur", âmes sensibles s'abstenir.
Tout a commencé à Sao Paulo. Dans l'hôtel pas cher où j'étais j'ai rencontré une australienne, Elly, étudiante en psycho, 25 ans, avec qui j'ai sympathisé et avec qui j'ai marché dans la ville à la découverte de ses immenses immeubles. Je déteste marcher en ville : la foule, les voitures, le bruit, le goudron, les ordures. A la fin de la journée j'avais une contracture au pied gauche. Je me suis massée avec une pommade faite pour et que j'avais pris le soin de prendre avec moi. Rien à faire. A Foz d'Iguazu le lendemain je me suis faite piquer par une abeille à l'autre pied. Je dois avoir des anticorps super musclés car je n'ai eu aucune réaction. Je n'y suis visiblement pas allergique. Le soir même, à Puerto Iguazu (du côté argentin), dans une auberge de jeunesse, j'ai rencontré Irène, fleuriste suissesse, 22 ans, avec qui j'ai sympathisé et avec qui j'ai marché dans le parc Iguazu, côté argentin, sous la pluie toute une journée à la découverte de ces fantastiques chutes (la chose la plus belle et la plus violente que j'ai vu de ma vie à ce jour...). Là je suis prise de trois effroyables crampes simultanées et foudroyantes (jambe gauche, jambe droite et cuisse gauche). Je suis restée coincée allongée dans mon lit au moins 20 minutes à essayer de réoxygéner mes muscles. Tout ceci n'étant pas sans lien avec ma contracture. Je continue à me faire des massages. Mais cette journée dans le parc sous la pluie, plus les trajets dans des bus hyper climatisés, plus des journées sous la canicule, car je n’ai jamais eu aussi chaud de ma vie que depuis que je suis dans le nord de l'Argentine, résultat, depuis deux jours j'ai une angine carabinée et un peu de fièvre. Je crois que mon corps essaye de me dire en vain de ralentir un peu le rythme de mon voyage. Ce que j'essaye de faire, mais encore faudrait-il que je trouve un endroit sympa où me poser. La ville où je suis actuellement n’a pas d'attrait particulier. Pourquoi j'y suis ? Ça aussi, c'est une autre histoire !
A Puerto Iguazu (ville frontière par laquelle je suis entrée en Argentine), j'avais décidé de continuer à vélo. Je me suis d'abord acheté une carte que j'ai analysé de longues heures évaluant les distances pour savoir si mon projet était réalisable en trois mois. J'en suis arrivée à la conclusion que oui et que de toute façon si je rencontrais un problème je pourrais toujours abandonner mon vélo. Le lendemain je suis donc allée faire le tour des marchands de vélo. J'en ai trouvé trois. J'ai évalué la qualité et les prix. Ils avaient tous l'air pas très solide ni très bien équipés mais ne coûtaient pas trop cher. 200 pesos argentins en moyenne, ce qui fait  56 euros. Je disposais alors de cette marge. Sans compter qu'avec un vélo je n'aurais plu de bus à payer désormais. Je fais donc affaire avec le plus marchandeur, obtiens 5% de remise et m'en vais avec mon VTT jaune chez le réparateur de vélo pour qu'il me vende et m'installe un porte bagages. L'opération se passe sans difficultés et ne me coûte que 10 pesos.
Je m'en vais donc gaiement chercher mon sac-à-dos à l'auberge de jeunesse et le charge sur le porte-bagages. Les freins ne sont pas au top mais tout le reste  à l'air de fonctionner. Je dis au revoir à Irène, la suissesse, qui s'en va aussi mais en bus elle, pour rendre visite à des cousins qu'elle a, pas loin. Je monte une première côte à la sortie de la ville : les vitesses ont du mal une fois le vélo chargé. Puis huit kilomètres plus loin le vélo commence à faire un bruit monstrueux. D'autre part le sac-à-dos sur le porte-bagages n'est pas une installation très stable. Je partage donc la charge entre le porte-bagage sur lequel j'installe mon matériel de camping, et porte mon sac sur le dos.
Je fais ainsi 2 km de plus quand la chaîne du vélo casse. Je ne me démonte pas. Sauf qu'il est environ 12h et que c'est la canicule et que je commence à avoir franchement chaud. Je sors mon couteau et répare la chaîne. Et c'est reparti. Encore 2 km et la chaîne recasse. Me viens l'idée de faire du stop pour rallier la prochaine ville. Ça n'a pas été le trouvaille du siècle : faire du stop avec un vélo. Je ne levais le pouce que pour  les camionnettes et 4x4 mais je n'ai obtenu que de gentils sourires et des encouragements pour remonter sur mon vélo. Je me suis mise à faire du stop en brandissant la chaîne dans les mains... et comme par hasard, plus une camionnette ne passe... Je re-répare, ne me faisant pas d'illusion sur la durée de vie de ma réparation de fortune, avec un couteau et un caillou. Heureusement qu'il y avait des cailloux... Car il n’y en a pas partout ici : merci, les cailloux ! Un kilomètre de plus et clac! La chaîne recasse. Je me laisse glisser sur la pente jusqu'au niveau d'un contrôle de gendarmerie. Après avoir contrôlé mon passeport et posé quelques questions sur le contenu de mon sac-à-dos et les véritables raisons de mon voyage, l'un d'eux me propose un coup de main. Il répare pour moi, avec un marteau et un burin qu'il avait dans sa voiture (tout le monde transporte un burin avec soi...).
Bref, après quelques palabres je repars sous le soleil tropical du nord de l'argentine sur cette route numéro 12 qui traverse alors le fabuleux parc naturel Iguazu. 2 km et re-re-rebelotte ! Je commence en avoir marre, D'autant que les vitesses ne passent pas mieux malgré mes tentatives de réglages. Et Dieu sait si je sais régler les vitesses d'un vélo (pour ceux qui en douteraient) ! Je reste là quelques minutes, assise au milieu des mouches, des papillons et des fourmies, regardant passer les voitures qui roulent trop vite, comme les vaches regardent passer les trains.
Alors, je prends une décision. Je décide de faire du stop et de continuer à pied, et d'abandonner le vélo. 200 pesos de perdus, 2000 de retrouvés. Je l'installe donc dans le fossé avec un petit mot écrit sur la facture et joliment installée sur le porte bagages : "Yo doy esta bicicleta a el que la encuentra y la quierre... Buen suerte ! Charlotte." En espagnol approximatif : "je donne cette bicyclette à celui qui la trouve et la veut, bonne chance, charlotte".
Je continue à pied quelques mètres, puis trouve un endroit stratégique pour faire du stop. Je bois mes dernières gouttes d'eau et mange tout ce qui me restait du petit déjeuner en guise de déjeuner : une boule de pain. Il est 15h quand Alfonso s'arrête. Il travaille comme électricien au casino de la frontière et rentre chez lui. Il me proposera bien d'aller prendre un bain dans le lac tout proche (superbe lac), mais il n'insistera pas face à mon refus, fort heureusement. Il me dépose quelques kilomètres plus loin, à l'entrée de son village, où j'attends le bus suivant pour Eldorado, ville de tous mes espoirs. Voilà la courte aventure de Charlotte en vélo en Amérique du Sud.
Petite explication climatique. En descendant vers le sud, je pensais gagner en fraîcheur. C'était en tout cas, le cas au Brésil : la végétation devenait presque tempérée, ou subtropicale, du type méditerranéen entre Salvador et Rio. Mais en fait, la zone du Pantanal (sud du Brésil) et la province de Missiones, au nord-est de l'Argentine, où je me trouve, sont couverts de forêt tropicale, bien humide, et la chaleur y est insupportable : moite !
Eldorado. Je voulais y aller car il y a un camping, pas loin d'un saut sur le fleuve Parana tout proche, et que la ville s'appelle Eldorado. De la gare routière, je prends le seul bus public de la ville. Il s'appelle d'ailleurs "el unico". Je n'ai pas compris tout de suite qu'il s'agissait du nom du bus. Quand je demandais aux gens le nom de la ligne qu'il fallait que je prenne pour aller au camping, ils me répondait "el unico" (l'unique) et je croyais qu'il voulaient me dire qu'il n'y avait qu'un bus (ce qui est aussi vrai), sans me dire comment il s'appelait. Je m'installe avec ma tente sous un arbre dans un joli parc équipé de tables et de bancs et de foyers pour barbecue, le tout en ciment. Je regarde se coucher le soleil et vais me coucher moi même dans la foulée, fatiguée des événements de la journée.
Dans le parc où je campe, j'ai un voisin. Un gars barbu, certainement européen (je dis cela à cause de son look, absolument pas sud américain). Et bien devinez quoi ??? Il voyage en vélo, mais alors je ne vous raconte pas le vélo. Je ne lui ai pas parlé et lui non plus d'ailleurs. Qui a dit qu'on était obligé de parler à tous les voyageurs qu'on croise quand on voyage... Si ça se trouve il ne parlait qu'allemand et je ne parle pas allemand. Il avait un vélo hyper équipé, cadre en fibre de carbone, de la marque "batavius", qui est une marque hollandaise et il a passé une demi heure au réveil à le monter et à le remonter avant de prendre la route... sans compter la demi heure qu'il a passé a ranger ses tonnes de matos dans les sacoches. Moi qui croyait voyager trop lourd....
Pour ma part, au petit matin, je suis partie, sac sur le dos, à la recherche du saut Elena. Une heure de marche aller, en côte et en descente abruptes, et une heure retour en sens inverse, pour une flaque ruisselante entre deux rochers boueux. J'ai vu mon premier serpent en Amérique du sud. Nous sommes restés à distance respectueuse l'un de l'autre. Il m'a regardé curieux. Et moi de même. J'ai quand même pris un bain dans la flaque. Je n'avais pas pu me laver au camping : les douches étaient fermées. Je rassure les écologistes qui lisent ce mail. Mon savon était 100% naturel, biodégradable et "made in Gwada".
Le jour même, je suis partie d'Eldorado en direction de San Ignacio. Là j'ai trouvé une chambre pas chère et j'ai fais une bonne sieste. Je suis sortie ensuite pour m'acheter des médicaments, les pots de miel que je mangeais depuis deux jours ne faisant rien à mon angine. Et j'ai visité la ville : ses ruines jésuites, ses stands d'artisanat guarani.
J'ai été particulièrement émue à la visite  du musée un peu bizarre qui se trouve à l'entrée des ruines. Une série de pièces aménagées par des artistes argentins pour plonger le visiteur dans l'ambiance angoissante de la colonisation et de l'extermination des guaranis puis de l'arrivée des missionnaires jésuites... Brrrr ! Ça  fait froid dans le dos. Je ne sais pas si c'est mon état physique quelques peu diminué par cette angine qui m'a rendu plus réceptive à cette mise en scène très conceptuelle et peu attendue dans un lieu dit de culture, mais j'ai carrément flippé dans une des pièces, complètement sombre où tournent des textes phosphorescents au plafond autour de l'axe central de la pièce, comme sur une mappemonde au centre de laquelle se retrouve le spectateur. Les textes sont extraits des journaux de bords des commandants des expéditions chargés d'exterminer les guaranis et sont accompagnés d'un silence insupportable.
Dimanche matin j'ai visité la maison d'un écrivain uruguayen exilé en Argentine et ayant écrit ses 13 livres à San Ignacio : Horacio QUIROGA. Il a perdu ses parents très jeunes, puis sa femme. Il a beaucoup voyagé dans le Nord-Est de l'Argentine (explorateur, planteur, journaliste), puis il s'est posé là et a écrit, en compagnie de ses 2 enfants. Il a construit de ses propres mains deux maisons, la première en bois et la deuxième en pierres, tous les meubles dont il avait besoin et encore bien des choses... A la manière d'Henri David Thoreau. Il écrivait surtout des nouvelles et a été comparé par ses contemporains à Edgar Allan Poe, que lui même admirait. Il est mort en 1937 d'un cancer de la prostate. Ce jardin avec ces deux maisons, la maison de pierre et tous ces meubles... et la maison en bois, reproduction faite pour un film sur sa vie, adaptation d'une de ses nouvelles autobiographiques. Très touchant aussi.
A San Ignacio je me suis coupée les cheveux. Toute seule. Comme une grande. Devant le miroir de la salle d'eau attenante à ma chambre et avec les ciseaux de ma trousse de secours : de tout petits ciseaux légers et tout moux. Le résultat n'est pas folichon mais c'est toujours mieux que ces espèces de débuts de dreadlocks que j'avais. A Salvador, une femme m'a proposé de me mettre un produit  spécial dans les cheveux pour me faire des dreadlocks. Sauf que je ne devais pas mouiller mes cheveux pendant 7 jours. Et que je n'ai jamais autant mouillé mes cheveux que pendant ces sept jours étant donné que j’ai vu les plus belles cascades, chutes et autres cours d'eau de la planète, et que je n'ai pas su résister à leur appel. Son produit 100% naturel a fait une espèce de pâte dégoûtante dans mes cheveux, j'en avais plein les doigts tout le temps et j'en mettait partout. Alors je me suis coupé les cheveux. Court.
De San Ignacio, je suis partie vers Posadas. De visu, à l'arrivée à Posadas, capitale de la province de Missiones, cela ne m'a pas plu. Je n'ai même pas quitté la gare routière. Je suis repartie vers Apostoles avec l'idée en tête de trouver refuge dans un Parc National supposé superbe qui s'appelle Ibera, du nom de sa lagune. La dame responsable de l'hôtel où j'étais à San Ignacio m'avait dit que pour y accéder il fallait aller à Apostoles puis à Mercedes. Sauf que je n'ai pas réalisé tout de suite que cela faisait 800 km. Une fois à Apostoles, j'ai rencontré deux jeunes super sympas, Liliana et son copain (dont je ne me souviens plus du nom) : ils m'ont expliqué qu'il fallait aller d'abord à Curuzu, puis à Mercedes, puis chercher des infos pour le parc, car visiblement ce parc n'est absolument pas facile d'accès. Me voici donc à Curuzu.
Et ce n'est  pas grâce au Guide du  Routard ! Au Brésil je me plaignais de Lonely Planet, comme quoi ils ne donnaient que les adresses de logements assez cher et hyper sécurisants, oubliant les petits logements pas chers, familiaux et sympas. Mais au moins ils parlaient de la plupart des villes et leurs infos étaient correctes. Le guide du Routard c'est  complètement n'importe quoi. Il ne me sera utile que pour les codes postaux des villes et les indicatifs téléphoniques. Ils ne parlent d'aucune des villes où je suis allée. Et je suis bien contente d'y être allée. Pour eux, l’Argentine se résume à Buenos Aires, quelques endroits en Patagonie, Ushuaia et quelques endroits dans le NOA (Nord Ouest de l'Argentine). Je ferais bien mieux de le jeter dans une poubelle et de m'assurer qu'elle soit  incinérée pour que cela ne tombe au mains d'aucun argentin qui puisse se vexer, ou d'aucun touriste qui puisse se perdre, plutôt que de le porter dans mon sac à dos encore trop lourd à mon goût.
Sinon mes premières impressions sur l'Argentine, étant donné que j'arrive du Brésil, sont très comparatives : la gendarmerie et l'armée que je trouvais déjà très présentes au Brésil le sont encore plus ici. Il y a des contrôles réguliers sur les routes, des uniformes partout en ville et des casernes aux abords de toutes les villes. Les bus sont en moins bon état mais plus rapides et moins chers, me semble-t-il, dans cette partie de l'Argentine, qu'au Brésil. Les routes sont en bien meilleur état mais les gares routières sont moins bien équipées : au Brésil les compagnie gèrent la vente des billets, les horaires des bus et leur remplissage par informatique, même dans les coins les plus reculés; ici je n'ai pas encore vu un ordinateur. Sur la route on voit plus de voitures mais la plupart sont de véritables pièces de collection. Je suis dans une région très rurale mais il me semble tout de même que l'Argentine est beaucoup moins touristique que le Brésil. On n’est pas harcelé par les artisans et les activités touristiques à tout bout de champs. Les gens sont aussi très pauvres, et ils le vivent semble-t-il moins bien qu'au Brésil, où la mentalité est très positiviste. Mais bon ce n'est que mon cinquième jour en Argentine. Et je crois que je vais beaucoup aimer les 85 jours à venir. Cela me correspond plus pour l'instant...
A suivre... Bisous à tous, Chà !

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