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... Carlotta en America del Sur ...
30 décembre 2002

Email Carlotta en America del Sur # 26

Lundi 30 décembre 2002, Mendoza, Argentine.
Je tiens à dire que, suite à mon message #24, j'ai effectivement décidé de changer mon mode de voyage. Désormais, je resterai plus longtemps là où je me sens bien, pour mieux connaître les gens, leurs cultures, mieux comprendre leurs mentalités. Comme dit Sonia, il vaut certainement mieux en voir moins, et en vivre plus, que l'inverse. Et tous ces touristes qui traversent les paysages sans ce soucier de l'humanité qui y vit, oú qui y survit, resterons à jamais des touristes. Mais de ce changement de mode de voyage, découlera aussi une évolution dans la nature de mes mails.
Il faut dire que mes messages ont déjà beaucoup évolué depuis le début. D'abord, parce que je n'écris quasiment plus que des notes très synthétiques dans mon carnet de voyage version papier, et que du coup je confie des choses parfois plus personnelles, et plus générales dans la version courrier électronique. Mais aussi parce que, on se fait à tout, et que comme je le disais dans un de mes précédents mails, je finis par avoir l'habitude de m'extasier devant la beauté de ce pays, ainsi que des coutûmes de ses habitants, et que, par conséquent, je ne ressens plus le besoin de vous faire partager de longues descriptions de tout ce que je fais, ou vois.
Je commence à vivre ici... Cela fait 40 jours que je suis en Argentine, et 80 ou plus que je voyage. J'ai adopté non seulement un mode de vie nomade, mais aussi une mentalité de nomade... Cela ne veut pas dire que je suis blasée, mais juste que je profite des choses d'une autre manière. Par exemple, je ne trouve plus tout et tout le monde beau comme au début. J'acquière un esprit de plus en plus critique à l'égard des espaces, et du temps dans lequel j'évolue, tout en voyageant. Un peu comme si j'étais d'ici, et que j'y revenais après un long exil. En fait, cela me procure la même sensation que quand je reviens en Guadeloupe.
Ce n'est plus de la découverte, à la limite de l'hallucination, mais de la re-découverte, à travers des individus, ou une ville différentes, mais toutefois "déjà vue", et similaire à d'autres... D'où la nécessité de changer mon "attente" du voyage, et mon mode d'appréhension (au sens d'apprentissage), pour continuer à en profiter, et ne pas m'en lasser.
Et ça je sais faire. Depuis le 21 juin 2002 précisément. Fête de la musique avec S. & B. au Parc de la Villette, petite expérience toxique fort profitable. Merci S. & B. ! Maintenant, je sais diriger ma pensée vers des choses positives, et modifier la nature de mon regard, quand je sens que tout fout le camp.
Parfois je passe par des phases de vacuité, c'est à dire que j'ai l'impression que tout m'échappe, et que soudain je pourrais aussi bien être là où je suis qu'ailleurs, mais quelle réalité vivons-nous ? C'est difficile de choisir tout le temps, de ne pas se laisser "happer" parfois, quelques instants, et de garder sa conscience pleine des choses 24h sur 24.
Et dans tout ça, la place qu'à pris ce débat que nous avons eu jusqu'au message 25, et qui pourrait se poursuivre sans fin, et que nous finirons par conséquent, quand nous nous réunirons, le jour où nous aurons décidé d'unir nos forces et nos rêves pour changer le monde, cette large place était nécessaire, car elle est en proportion, la place qu’occupe ces préoccupations dans ma vie. Le récit de mon voyage est une chose, mes préoccupations politiques en sont une autre, et non des moins importantes. En réalité il n'y aura peut être plus de débat (j'ai bien dit peut être), mais il n'y aura pas non plus de récit de voyage de la même nature que ceux que vous avez pu lire au tout début. Mon regard sur les choses a changé. La vie a pris le dessus sur le voyage.
L'auberge de jeunesse où je suis ici à Mendoza, n'est pas vraiment le meilleur moyen pour rencontrer des paysans et des ouvriers, et recruter des guérilleros, mais on y fait tout de même des rencontres enrichissantes. En fait, comme en ce moment ce sont les vacances scolaires, il y a presque autant de porteños (habitants de Buenos Aires), que d'étrangers dans les hôtels en général. Et connaître les porteños, c'est visiblement presque comme connaître Buenos Aires. Buenos Aires, c'est l'Europe en concentré ! Enfin, je vous en parlerai certainement mieux quand j'y serais arrivée, mais pour ce que j'en ai entrevu par mes rencontres, cela ne m'attire pas vraiment, et là je crie un grand "Vive le NOA et la culture Indigena" !
Le premier soir j'ai dormi seule dans la chambre 105, où il y a pourtant deux lits superposés, soit quatre lits. Puis le lendemain une jeune allemande m'y a rejoint. Je lui donne 18 ans maximum. Mais en réalité, je n'ai pas vraiment discuté avec elle parce que non seulement elle m'a carrément pris de haut (ce que je ne considère pas vraiment comme une attitude sympathique), et qu'en plus, elle parlait aussi bien français, espagnol et anglais, que moi l'allemand (je sais compter jusqu'à dix et ça s'arrête là !). Elle a semé son paquet de riz par terre (car dans cette auberge de jeunesse, il y a une cuisine équipée à dispositions des passagers qui n'auraient pas de quoi payer le frugal dîner qui est proposé tous les soirs pour 6 pesos). Et moi qui marche pied nu, j'ai eu du riz collé à la plante des pieds toute la soirée.
Les filles qui ont suivi étaient bien plus sympathiques, et j'ai même un lit douillet qui m'attend chez Mélina, à Buenos Aires, à partir du 12 janvier. Mélina est d'origine italienne jusqu'au bout des ongles. Elle a 22 ans, voyage avec son "novio" (se prononce "nobio" et signifie "fiancé"), Fernando, et étudie la psychologie. Elle parle beaucoup beaucoup beaucoup, mais est carrément "cariñosa" (se prononce "carignossa" et signifie "affectueuse"). On a franchement sympathisé. Pas comme avec les autres filles de Buenos Aires que j'ai rencontré.
Samedi, je suis sortie en excursion avec un groupe pour faire du trekking dans les montagnes mendocines, du rappel sur ses cailloux, et du rafting sur le fleuve du même nom que la ville, et la province où je me trouve. Dans ce groupe il y avait six filles avec lesquelles j'avais dîner la veille à l'auberge de jeunesse (les excursions sont organisées par l'auberge de jeunesse). Je les ai surnommées "les spice girl de Buenos Aires". Les comportements de groupes n'arrangent pas les choses, et elles m'ont parues toutes aussi "pas intéressantes" les unes que les autres. L'autre jour quand je parlais d' "hypocrisie" je pensait à elles à la puissance 10 000. Elles se sont senties obligée de faire comme si elles s'intéressaient à moi, et ceci avec chacune le même sourire figée de speakerine. Et à la fin de la journée d'excursion j'avais la tête pleine de leurs caquètements et gloussements hystériques. Et je crois bien qu'elles s'en sont aperçues, car elles ont arrêté de me parler. J'ai du émettre suffisamment d'hormones répulsives pour qu'elle sentent le danger. La moindre d'entre elle m'aurait adressé la parole sur le chemin du retour, et je les découpaient toutes en bifteck avec mon opinel (je l'ai toujours avec moi en cas de besoin).
Heureusement à cette excursion il n'y avait pas qu'elles. On était 15 "consommateurs" d'aventure et quatre encadreurs d'activités. J'ai sympathisé avec Janette et Angelo, deux italiens. Lui (55-60 ans) travaille dans les consulats italiens, et elle (35 ans) le suit, et s'occupe de lui. Ils sont tous les deux très nature, et n'ont vraiment rien à voir avec l'idée que je me faisais du milieu des consulats et ambassade. Mais il semblerait à ce que raconte Janette qu'ils soient des marginaux dans ce milieu très mondain.
Et puis nul n'est besoin de parler et de sympathiser avec qui que ce soit pour marcher dans les montagnes et les apprécier. Après tous les kilomètres que j'ai marché ces derniers temps, les 40 minutes de marche aller, et 40 minutes retour, ont été une simple balade, sans difficulté. Je n'en ai ressenti aucune fatigue. J'ai à peine mouillé mon tee-shirt.
Parmi les participants il y avait Sarah, une anglaise, ostéopathe, qui termine un an de voyage autour du monde, et doit approcher les 35 ans. Très Bridget Jones dans sa mentalité, et très intéressée par la psychologie humaine, quoique son écoute soit un peu passive à mon goût. Mais elle, au moins, elle me glousse pas, et ne caquette pas. Nous avons même fait le projet de grimper ensemble une partie du massif de l'Aconcagua (6900 mètres d'altitude, le plus haut sommet du continent américain) jusqu'à la base de campement (il faut 15 jour pour aller au sommet). Mais finalement on ne le fera pas. Nous voulions y passer le jour de l'an, mais il semblerait que ce soit sans intérêt, et elle ne veut pas sacrifier ce qui semble être une fête vraiment importante pour elle. Pour ma part ce qui m'a découragé c'est le prix de l’entrée du parc Aconcagua (je ne parle pas du permis d'escalader la montagne qui est 10 fois plus cher) : les droits d'entrée sont de 20 $US. Pour le même prix je préfère faire une bonne descente de rafting de cinq heures sur le fleuve Aconcagua.
Je pourrais toujours voir l'Aconcagua de loin quand j'irais sur la route qui mène vers le Chili. Parce que cette journée d'excursion "tourisme sportif aventure" a été la révélation de ma vie. Le trekking bien. Le rappel pas mal. Mais le mieux, ça a été le rafting. Incroyable ! C'était la première fois que j'en faisais, ainsi que du rappel.
Le rappel bof... Sur une parois de 19 mètres. Je n’avais vraiment pas du tout le vertige, et j'avais envie de le faire. J'ai vite compris la technique, même si j'ai eu un peu de mal à positionner mon corps au début. Mais voilà. Je ne vois pas trop l'intérêt de marcher à reculons, ou de bondir à reculons sur une paroi. D'autant qu'on ne peut regarder quasiment que le ciel, et celui qui assure en haut pour vous. Bon. Ce n'était pas désagréable de voir Federico m'encourager de tout là haut... Il était plus inquiet que moi pour moi même, car au début je me suis cassée la figure en dérapant sur le rocher, et j'aurait pu mourir écrasée 19 mètres plus bas (quoique je ne suis pas sure que l'on meurt en tombant de 19 mètres : on finit plutôt dans une chaise roulante...). Heureusement, il m'avait dit que je ne devais en aucun cas lâcher la corde, et c'est ce que j'ai fait... Mais voilà. Plaisir court, et un peu tranquille pour moi. Pas assez d'adrénaline...
Le rafting par contre... Un régal. Dans la même embarcation que moi il y avait Federico et Marina, deux des animateurs sportifs, Sarah l'anglaise, et aussi Peter un anglais, avec sa petite amie suédoise, dont je n'ai pas compris le prénom. C'est Mariano, un jeune argentin d'une vingtaine d'année maximum, qui était notre leader, et il a franchement assuré, nous faisant faire les plus belles prouesses sur le fleuve déchaîné à cause des pluies récentes, et tout ça avec beaucoup d'humour en plus. Nous passions sans cesse du rire au cris, impressionnés par les vagues, et les obstacles que nous franchissions sans peine. Même Sarah, qui appréhendais de tomber à l'eau, en redemandait à la fin. Mariano a commencé par nous expliquer les ordres, en anglais (car la majorité parlaient anglais), puis les consignes de sécurité... et pour finir, les autres guides de rafting ont réussi à nous faire croire que c'était sa première fois, ce que je ne peux définitivement pas croire tant il a été bon. Je n'ai su que bien plus tard qu'il passait pour être le meilleur de la région, à égalité avec un français du nom de Stéphane, que j'ai eu l'occasion de rencontrer également lors de cette sortie.
Pour ceux qui ne connaissent pas le rafting, j'explique rapidement en quoi cela consiste : il s'agit de descendre un court d'eau, le plus dangereux possible (il y a différents niveaux de difficulté), parsemés de rapides, de rochers et de virages, avec une embarcation en plastique gonflée d'air, comme un zodiaque. Comme en aviron, il y a un leader qui donne les ordres aux rameurs : back (tout le monde rame vers l'arrière), foward (tout le monde rame vers l'avant), stop (tout le monde arrête de ramer), left foward (ceux de gauche rament en avant et ceux de droite en arrière), right foward (vice-versa), inside (tout le monde se réfugie à l'intérieur du bateau), high foward (on rame plus vite...). Ils nous a fait faire des figures, et ne nous a épargné aucune douche dans les rapides. Quand c'était calme il a jeté Marina à l'eau... et moi j'ai plongé parce que l'eau était à 5 ou 6 degré, et qu'il n'y a rien de tel que de sauter à l'eau quand on est déjà trempé de la tête au pied. 45 minutes de descente, et franchement c'est trop court … J'y retourne vendredi pour cinq heures de descente. Et quand je reviens en France je me mets au kayak et à l'aviron, et au rafting bien sure. Je m'étais achetée de nouvelles chaussures de marche, plus légères que les précédentes : elles sèchent encore.
Mais il n'y a pas que l'aventure à Mendoza. Je vous disais que cette ville me plaisait au premier abord. Et bien la première impression est la bonne, semble-t-il, car elle me plaît encore. Il faut dire que les villes argentines sont hyper structurées. Tout est carré et parallèle. Les blocs font 100 mètres sur 100 mètres au centimètre près. Les maisons sont numérotés en fonction de la distance réelle (si vous êtes au numéro 540, le numéro 745 est à 201 mètres environ !), côté pair d'un côté et côté impaire de l'autre, ce qui permet de se repérer très facilement, d'évaluer les distances sans problèmes et de dominer l'espace rapidement. Mendoza a été détruite par un tremblement de terre, et entièrement reconstruite, d'où sa structure visiblement très contrôlée.
Mendoza est une des plus grandes villes d'Argentine. Aucune comparaison avec Buenos Aires, dont la province concentre 50% de la population argentine, mais tout de même ! Apres BsAs, il y a Cordoba et Santa Fe, et juste après Mendoza.
Mendoza est une ville très propre et plutôt bourgeoise, mais j'ai la vague impression que plus les villes sont grandes, et plus on y trouve d'enfants mendiants. J'ai passé une heure à déjeuner à la terrasse d'un restaurant dans une rue piétonne. Onze enfants sont venus me demander des sous. Un record ! Ma politique est toujours la même. Mais quand ils me demandent à manger, je leur en donne.
Mais ce que Mendoza a de plus grand et de plus impressionnant, c'est sont parc municipal. Je ne sais pas combien d'hectares il fait, mais sur le plan de la ville, il occupe le tiers de la superficie. Il y y a une université, un zoo, un stade, une salle de spectacle, un lac, une porte du style "porte de Nancy", des kilomètres de gazon, des milliers d'arbres, deux avenues, et une colline de 55 mètres, el Cerro de la Gloria, surplombée d'un monument gigantesque, dédié à la mémoire du Général San Martin et son armée des Andes, libératrice de l'Argentine face à l'Espagne dans les années 1810. Ce parc s'appelle (je vous le donne en mille) : le parc San Martin, bien sure, et il a été conçu et réalisé par un français.
De la même façon, les vignes qui entourent la ville, et font la richesse culturelle de cette ville (parce que mise à part ça, la province est productrice de pétrole et d'électricité), sont française pour la plupart; les autres sont italiennes.
Je suis allée deux fois dans ce parc San Martin. Une fois avec Sarah, et nous sommes allée au Cerro de la Gloria, et une autre fois, avec Tania, une allemande de 34 ans arrivée dans notre chambre il y a deux jours.
A ma première visite, je suis tombée instantanément amoureuse d'un arbre. Un eucalyptus dont le tronc multicolore a été entaillé de dizaines d'inscriptions par des vandales. Mais cet arbre ne m'aurait jamais attiré sans ces blessures... Sur fond d'écorce molle d'eucalyptus cela rend un effet carrément graphique, sauf que je n'avais pas mon appareil photo avec moi. Il a donc fallut que j'y retourne prendre la photo. Ou plutôt LES photos. J'adore les arbres morts et blessés. Les choses douloureuses et cruelles ont bien plus d'intérêt dramatique. Le tout est de les observer chez les autres, plus que de les vivre.
Lors de cette deuxième sortie au parc, Tania m'a raconté sa vie, et j'y ai trouvé aussi beaucoup d'intérêt dramatique. Il y aura certainement un peu de son fantôme de ce dimanche 29 décembre 2002 dans les prochaines choses que j'écrirai.
C'est la première fois que je sympathise avec autant de femmes de 10 ans mes aînées en si peu de temps : Janette, Sarah, Tania... Est-ce que je vieillirai trop vite ? Quand je pense que les Spice Girl de Buenos Aires ont mon âge.
Tania et moi avont beaucoup galéré pour aller au parc, parce qu'en dehors du fait que cette ville est bien structurée, les distances y sont longues, et les services de transport en commun hyper mal indiqués.
Hier soir donc, en revenant du parc, nous avons croisé un ami américain à elle (nous avions passées toutes les deux la journée à discuter). Encore un dont je ne me rappelle pas du nom... un asiatique "made in america". Mickaël je crois. Il avait faim. Nous aussi. Nous sommes allés dîner dans un des restaurants de la rue piétonne (seule rue où on trouve quelque chose d'ouvert les dimanches et jours fériés à Mendoza). Mes excuses aux végétariens qui auront du mal à soutenir la description qui suit, mais j'ai commandé un Bife de Chorizo, c'est à dire de la viande de boeuf, et j'ai vu arriver un pavé énorme de viande, le deuxième plus gros que je n'ai jamais vu de ma vie, dans une simple assiette individuelle : 10 ou 11 centimètres de haut, et une base presque carrée de 15 sur 15, avec tous les dégradés de cuisson possible et imaginable. Le premier plus gros morceau de viande que j'ai vu de ma vie est celui qui avait lentement grillé sur les braises d'un barbecue mondain de jeunes richos de la ville d'Arras dans le Pas-de-Calais où j'avais été emmenée l'été 1999 par ma copine Florence, pilote de ligne de son état. Avec les légumes autour j'ai eu du mal à finir.
Mais quand quatre heures plus tard, j'ai eu de nouveau faim, j'ai commandé une glace. Le serveur me dit qu'il n'en a pas mais qu'il peut en acheter une pour moi chez le marchand de glace juste à côté. Il m'amène la carte, et je commande un banana split. Et une demi heure plus tard, je vois arriver le plus énorme banana split que j'ai vu de ma vie. Tania et son copain américain ont tous les deux halluciné. Mais bon. En réalité il n'y en avait pas tant : c'est juste qu'il était posé sur une coupe pleine, comme sur un plateau. Bref, cette soirée a été un régal. En plus il y avait une carrément bonne ambiance, et pour l'une des premières fois j'ai parlé anglais presque complètement naturellement, comprenant toutes les blagues, et en faisant moi même, et nous avons beaucoup rigolé. Cela faisait longtemps que je n'avais pas rigolé comme ça.
Et cela fait du bien de rigoler comme ça. On a essayé de deviner nos goûts musicaux respectifs, et je dois dire que l'américain qui me connaissait moins bien que Tania a eu des intuitions impressionnantes de vérité. Cela est-il visible sur mon visage le type de musique que j'écoute ?
Pour continuer sur le thème de la nourriture argentine, je dirais qu'elle n'est pas très variée. En dehors de la viande et des frites, c'est dur de trouver son bonheur. La seule chose vraiment "originale" que j'ai mangé, c'est un espèce de ragoût au lama, avec des légumes en sauce, et bien pimenté : un plat indigène. Les végétariens sont condamnés à manger des salades bien tristes, et ils sont loin d'être les chefs en matières de sauces. Mais bon.
Toujours est-il qu'il y a bien une chose qu'il ne faut pas manger en Argentine c'est la nourriture italienne. Ils ont beau avoir de bonnes ascendances italiennes, ils font trop cuire les pâtes, les égouttent mal, les servent avec des sauces trop liquides, et qui se réduisent souvent à de la sauce blanche (une béchamel), ou de la sauce rouge (sauce tomate pas très réussie). Janette, l'italienne, partage mon avis sur ce point, et la seule qui n'approuve pas, c'est Tania, l'allemande, qui adore les pâtes en Argentine. Quand aux pizza n'en parlons pas : les pâtes sont précuites et ont un sacré goût de pain industriel, quelque soit le standing de la pizzeria. Les italiens d'ici ont du tout oublié lors de la traversée de l'atlantique.
La seule chose italienne qu'ils soit autorisé de manger sans limites tant elles sont bonnes dans ce pays ce sont les glaces. On se croirait en Italie, même si je n'ai pas encore trouvé chez aucun glacier mon parfum préféré, souvenir de mon voyage en Italie, Fior di Latte (Fleur de Lait). Julie, ma sœur, comprendra de quoi je parle...
Ici par contre, il y a le Dulce de Leche : un litre de lait, un kilogramme de sucre, et faite cuire le tout à feu doux, comme pour un caramel. Un pécher mignon. Pas loin du lait concentré sucré en plus pâteux, et qu'on trouve à tous les petits déjeuners.
Et tous ces sujets dont je parle jusqu'ici sont tellement gais que je ne sais pas comment aborder le suivant si triste.
Le vendredi soir, à l'auberge de jeunesse, on mange tous dehors, et au menu, c'est grillades (asado). Sauf que vendredi dernier j'étais assise entre la table des israéliens, et la table des Spice Girl de Buenos Aires, qui se sont jetées telles des piranha sur l'anglais blond d'un mètre 90, hyper musclé, style Arnold Shwartzeneger, qui voyage à moto avec tout l'équipement et la panoplie du motard frimeur, abandonnant le brésilien d'origine argentine, ingénieur chez Mercedes, qu'elles avaient dévoré la veille... J'ai donc naturellement engagée la conversation avec les israéliens.
Celui qui était en face de moi avait les cheveux longs et l'air très triste. Je lui ai demandé si comme tous les israéliens que j'avais rencontré jusqu'à présent sur la route, et si comme la plupart des israéliens à son âge, il voyageait après avoir fini son service militaire et avant de commencer ses études. Il m'a dit que oui, mais que lui avait passé quatre ans, au lieu de trois à l'armée, parce qu'il s'était engagé pour un an de plus, pour défendre son peuple, et servir sa patrie. Ceux qui me connaissent doivent se dire que déjà c'est une conversation qui commence plutôt mal, étant donné mon opinion sur le conflit israélo-palestinien, et sur la guerre, et l'armée en général.
J'ai eu le malheur de lui demander son sentiment par rapport à la guerre que traversait son pays, et qu'il avait du vivre d'autant plus près puisqu'il s'était engagé dans l'armée. Je précise qu'un israélien, de langue maternelle hébraïque, et qu'une guadeloupéenne, de langue maternelle française, communiquent nécessairement en anglais, ce qui n'est pas pour simplifier la situation. J'ai dit "war" et pas "conflict", et je me suis faite incendiée pour ça. Le problème israélo-palestinien n'est pas une guerre, mais un conflit. Sachez-le si vous discutez avec un israélien à l'avenir. Des dizaines de personnes meurent. Deux gouvernements font preuves de mauvaise volonté au prix des vies des leurs, pour des questions d'honneur et de territoire, le tout aidant la haine raciale et religieuse. Et ce n'est pas une guerre.
J'ai eu toutes les peines du monde à redresser la situation. J'ai eu beau essayer d'argumenter en faveur de l'humanité et de la paix, il ramenait toujours les choses à sa communauté, au fait que tout le monde déteste les juifs, et que personne ne peut comprendre. Et je simplifie, parce qu'en réalité, il était bien plus subtil et pessimiste que ça. Le pessimisme peut se comprendre, mais son obstination et sa fierté à présenter les 3000 ans d'oppression que subit la communauté juive, m'ont vraiment effrayé.
J'avais déjà eu des discussions houleuses sur ce sujet avec des juifs, et j'en tire toujours la même conclusion. C'est un manque d'humanisme et de tolérance à mon sens que de considérer que "tous les génocides sont horribles, mais que celui des juifs est pire que les autres" (et les arguments qui vont dans ce sens sont tous plus ridicules les uns que les autres), que de dire "c'est pas nous qui avons commencé" (ce qui reste à prouver pour ce qui est du conflit avec la Palestine), que de toujours jeter la pierre aux médias responsables de la propagande anti-juive actuelle (la propagande pro-juive est tout aussi puissante), que de se plaindre qu'ils n'ont pas le choix : ils sont bien obligés de tuer des enfants palestiniens pour protéger leur peuple (ce qui n'est pas faux étant donné le fanatisme avec lequel ces derniers agissent).
Mais ils oublient toujours de mentionner la politique de colonisation qui n'a jamais cessé depuis la guerre des trois jours. Nous avons parlé du film documentaire "Israël Palestine, paroles d'enfants" de B.Z Goldberg, Justine Shapiro et Carlos Bolado, sorti en 2000, et offrant une lueur d'espoir sur la situation à travers les paroles et les débuts d'amitiés d'enfants israéliens et palestiniens. Ce film m'avait beaucoup touché à l'époque. Mais la situation s'est bien dégradée depuis.
J'ai essayé de parler de l'esclavage pour détendre l'atmosphère, du génocide des amérindiens des autres Amériques (nord, centre, sud et caraïbe), de la déportation des africains, des conditions de vie dans les plantations, et de rapprocher ceci et cela, et d'exprimer mon sentiment de compassion pour la communauté juive, mais le verdict était sans appel : "je ne peux pas comprendre".
Et puis j'en ai eu marre de son délire obsessionnel à la "caliméro", et on a parlé de musique et de photo. Il est parti, et j'ai continué à discuter avec ses deux amis, qui participaient déjà à notre conversation depuis quelques demi heures, avec un peu moins d'intolérance en apparence.
Enfin. Tout ça pour dire que je n'aurais qu'un voeux à formuler pour la nouvelle année : que les Hommes ouvrent les yeux enfin. En Israël, en Palestine, mais partout ailleurs où on se "chamaille pour si peu" en faisant couler le sang.
Pour moi le nouvel an, ce sera "nulle part". De même que ce sera jamais. Ce jour là je serais à l'auberge de jeunesse : ils y font une petite fête. Et puis je ne vois pas trop ce que ça va changer. Tout le monde cherche à chaque fois l'endroit le plus cool pour faire le nouvel an, mais la Terre tourne, et en gros ça devrait être une fête de 2 heures. Je me demande comment ils fêtent le nouvel an au Soudan. Je ne prendrai aucune nouvelle résolution pour la nouvelle année, mais je les tiendrai cette fois (celles de toutes les années précédentes que je n'ai pas eu la force d'accomplir), parce que j'ai plus confiance en moi et que ma motivation est indestructible maintenant. Bisous à tous et Bonne année quand même. A l'année prochaine. Chà !

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