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... Carlotta en America del Sur ...
17 décembre 2002

Email Carlotta en America del Sur # 20

Mardi 17 décembre 2002, Tucuman, Argentine.
Suite à mes tergiversations existentielles, il s'agit de reprendre le dessus et le contrôle de la situation. Je pars quelques jours dans les bois, mais avant tout quelques mots.
Avant la crise, 1 peso valait 1 dollar US. Aujourd'hui 1 dollar vaut 3,53 pesos (un euro vaut 3,64 pesos). Et là d'un seul coup, je me rends compte qu'un euro vaut un peut plus d'un dollar (1,03), alors que quand je suis partie, il valait un peu moins (0,98). Ouaw ! Combien de temps cela va-t-il durer ? Une semaine comme en juillet ? C'est le moment ou jamais pour les américains d'acheter des euros ! Il monte, il monte. Enfin bref.
Cette histoire de 1 pesos = 1 $US, ça ne pouvait pas marcher. L'économie argentine produit tout, ou presque en Amérique du sud, et fournissait jusqu'alors les pays alentours. Ce qui n'était qu'un prêté pour un rendu puisque, alléchés par cette parité, les chiliens, les boliviens, les uruguayens, les paraguayens, et parfois même les brésiliens, venaient travailler par milliers en Argentine, pour son pesos, et être riche au retour dans leur pays. De la même façon que les brésiliens qui vont travailler en Guyane Française, et peut être encore plus facilement parce que la langue est la même, et que les frontières du travail sur ce continent sont très perméables. Conclusion, le pesos = 1$US nourrissait toute l'Amérique du Sud. Forcément cela ne pouvait pas durer. Mais bien sur ce n'est pas la rasions principale de la crise.
Mais toujours est-il que cette histoire de parité monétaire ne pouvait pas être une bonne idée. On ne construit pas un pays riche au milieu de pays pauvres. Quand le Canada a instauré sa parité avec le dollar US aussi, ils n'étaient pas cernés par des pays pauvres : le Canada n'a de frontière qu'avec les USA. Cette parité était alors une très très bonne idée !
Le fait est qu'aujourd'hui, la dévaluation est un drame, mais qu'elle profite quand même à certains : les agriculteurs et éleveurs, qui produisent en pesos et vendent au monde entier en dollar. Les commerçants eux, qui importent, achètent en dollar et vendent en pesos, sont milles fois perdant, ou plutôt, 3,53 fois perdants. Et ceux à qui profite le plus la crise ce sont certainement les agences touristiques, qui voient défiler des étrangers riches ou pas, mais qui payent en dollar et en euros. Et pour eux les prix n'ont pas baissé, au contraire. Le prix est le même qu'avant la crise, en dollar ! Souvent les prix sont carrément affichés en dollar, sans pudeur.
Saviez-vous qu'ici à cause de la crise le gouvernement a été obligé d'éditer une sorte de "fausse" monnaie ? Elle n'a de valeur que pour les transactions en Argentine. Elle n'a aucune valeur en dehors du pays. Elle est une sorte de reconnaissance de dette de l'Etat à l'égard de l'économie du pays et de sa population. Je vous rappelle que la crise a entraîné le blocage de tous les comptes courants des argentins. Les riches, les pauvres. Du jour au lendemain, on leur a dit qu'ils n'avaient plus rien, on leur a signé des reconnaissances de dettes, tout ça pour permettre à l'Etat de renflouer les dettes accumulées suite à des trafics, et une corruption indescriptibles. Et dire que le droit à la propriété est le plus important pour les humains de cette planète !
Et bien ici, a Tucuman, le gouvernement local a édité des pesos en plus, pour la région, qui ne peuvent pas être utilisé en dehors de la province de Tucuman, et sert à renflouer la dette de cette région, dont l'économie est encore plus en crise qu'ailleurs,  d'où le délabrement progressif de la ville en apparence. Cette monnaie de papier qui sert à compenser la dévaluation et la confiscation des capitaux personnels, pour une touriste comme moi, il vaut mieux ne pas en avoir trop dans les poches afin de pouvoir s'en débarrasser à tout moment. Fort heureusement, les distributeurs des banques distribuent de la monnaie effective. Et à priori, quand on paye en monnaie effective, on doit vous rendre le change en monnaie effective. Mais le fait est que dans ce pays, personne n'a jamais le change, surtout pour un billet de 50 pesos (17 euros), ou de 100 pesos (33 euros). Conclusion on est bien obligé d'accepter ces billets. Le point positif c'est que ces billets n'existent qu'en 2, en 5, en 10 et en 20 pesos. Je n'en ai jamais vu de plus forts. L'autre point positif c'est que quand vous payer en monnaie effective (qui existe !!!) vous avez 10% de ristourne. Enfin ! Disons que les choses coûtent 9% plus cher pour ceux qui payent en monnaie bidon. Dur, dur...

Quelle est la devise de l'Argentine ? Voilà qui pourrait devenir ma quête du Graal ici... Personne ne sait. Personne ne sait même s'il y en a une. Il y a bien écrit "en uníon y libertad" (en union et liberté en dessous de "Republica Argentina" sur les billets. Mais il y a aussi écrit parfois "duda" (dette). Les gens ne savent plus. Un étudiant en droit m'a dit que c'était "Libertad y Egalitad", ce qui ressemble beaucoup à Liberté, Egalité, Fraternité. Et il ajoute qu'en Argentine ils font toujours tout comme en Europe ou aux Etats-Unis. Je cherche, je cherche.
Sur la route de Salta à Tucuman, en six heures trente de bus, ils s'en sont passés des choses. D'abord une dame d'une soixantaine d'année, toute maigre, cheveux courts grisonnants, qui regarde par dessus ses lunettes, et qui ne sent pas très bon, est venue s'assoir près de moi, non pas pour me raconter sa vie, ou si peu, mais surtout pour me dire qu'elle est de Cordoba, et qu’à Cordoba les gens sont prêts à faire la révolution, que les argentins sont un peuple de lâches, qui n'ont pas couilles, selon ses propres termes, qu'ils se laissent voler par les politiques depuis trop longtemps parce qu'ils sont aveuglés tantôt par leurs richesses, tantôt par leur pauvreté et leur manque d'instruction. Tout un programme. Mais elle sait manier les armes, son père lui a appris, et elle est prête. Prête à prendre les armes pour sauver son pays. L'énergie avec laquelle elle raconte tout ça me laisse croire qu'elle en aurait assez pour une guerre civile... mais comme me disait Léo, cet étudiant en socio de La Plata que j'ai rencontré à Humahuaca, le Ché est mort, et il vivrait encore, il se suiciderait à voir la situation de son pays...
Pablo, la cinquantaine, qui travaille à l'office du tourisme de Tucuman, m'a parlé au moins une heure et de façon fort divertissante de son pays aussi, et pour lui aussi, il n'y a pas d'espoir. "¡ Los que vienen son los peones de los que estàn y que nos robarón !" Ceux qui prennent la relève sont les serviteurs de ceux qui sont au pouvoir et qui nous ont volé. En sachant qu'un "peon" dans le contexte de la ferme argentine est un ouvrier agricole qui fait tout pour celui qui gère et possède la ferme. Souvent un amérindien ou un immigré très mal payé.
Le peuple argentin, celui que je rencontre, n'a plus d'espoir, aucun. Quand Jeannot me disait au moment de mon départ de faire attention en Argentine de ne pas tomber sur un "os du Ché" (ou quelque chose comme ça), je crois qu'il peut être entièrement rassuré... cela ne risque pas d'arriver !
L'autre événement du voyage Salta-Tucuman, ça a été un contrôle de gendarmerie. Je ne sais pas ce qu'il cherchaient, mais ils ne l'aurait pas trouvé dans mon sac vu comment ils n'y ont pas touché. C'était mon deuxième contrôle. Et il semblerait que j'ai de la chance car ici c'est tout le temps. Gendarmes, policiers, douaniers. Ils aiment faire descendre tout le monde du bus, vider tous les sac, laisser ranger les gens, et les laisser repartir avec 1h30 de retard dans leur voyage.
La première fois, ce n’était pas loin de la frontière bolivienne, et c'était un contrôle anti-stupéfiant (narcitrafico). Les femmes d'un coté. Les hommes de l'autre. Je ne sais pas si les hommes sont mieux contrôlés, mais les femmes, c'était très superficiel. Palpation du sac. Et de toute façon, je n'ai jamais vu aucune femme dans la police, la douane ou la gendarmerie ici en Argentine. Le mien était tellement bien rempli et fermé qu'ils n'ont pas insisté. Le douanier a retourné mon passeport dans tous les sens, cherchant l'erreur, et m'a dit au revoir.
Cette fois, avec les gendarmes ça a été encore plus rapide. Je suis passée la dernière, le gendarme a lu mon prénom à haute voix, a dit "¡ Que lindo !" et m'a dit au revoir. Ce qui n'a pas franchement plu aux autres passagers qui avaient été fouillés plus sérieusement étant donné que j'étais la seule étrangère dans le bus.
Il faut savoir que l'Argentine est une République Fédérale et qu'il y a un poste frontière entre chaque province. D'où les contrôle... Une fois un gendarme est monté dans notre bus à une frontière, il a fouillé les toilettes des bus pendant 15 minutes de façon plutôt acharnée et énervée, puis il est parti, tout couvert de poussière et l'air plutôt déçu, voire frustré. C'est toujours trop drôle à voir !
Au fait ! À ma maman qui ne parle pas espagnol, et dont l'imagination lui permet de dire des choses poétiques... Malgré tous les désert de sel de la région de Salta, "salta" ne veut pas dire "salé" (qui se dit "salado", mais pourrait être une conjugaison du verbe "saltar" qui veut dire sauter, bondir, rebondir. "Un salto" c'est "un saut", et "salta" peut vouloir dire "il, elle saute" ou même "¡ saute !" à l'impératif.
Je tiens à dire aussi que Jean-Louis et Sonia ont apporté leur contribution à notre débat sur la Guadeloupe. Sonia dit à fort juste titre qu’on n’est pas obligé d'accepter et de s'identifier au milieu d'où l'on vient... Ses racines. Raison de plus pour faire en sorte que chacun se sente chez soi partout. Y compris en Guadeloupe. Et que chacun trouve son chez soi. Que chacun puisse choisir ses racines. Pourquoi y-t-il des endroits si inhospitaliers ? Pourquoi parfois le gens sont-ils si... Sonia est née dans le 16e à Paris. Mais c'était une erreur culturelle de la faire naître là. Elle aurait du naître en Guadeloupe ! Mais il n'est jamais trop tard pour trouver son chez soi. C'est aussi pour ça que je voyage : trouver un endroit sur cette planète où me poser ! Parce que la France et la Guadeloupe ne m'en ont pas encore donné envie.
Jean-Louis dit :
« Concernant tes deux emails, je ne ferais qu'une remarque : on ne parle pas autant de son pays et de ses origines que lorsqu'on en est éloigné. Personnellement, pour parler de ce que je connais, il n'est pas toujours facile de se sortir d'un système basé sur l'esclavage des personnes, pour se retrouver dans un système basé sur l'esclavage économique. Quelle est alors La Solution ? Malheureusement je crois qu'il n'en existe pas. Dans certains pays, on se satisfait de pouvoir remplir sa gamelle et celles de sa famille, et si besoin, on partage encore avec le premier venu. Dans d'autres, on se satisfait de posséder la dernière innovation technologique, et on fait des dons aux oeuvres pour se donner bonne conscience et réduire ses impôts... D'un côté, on croit qu'en occident on peut tout réussir, de l'autre on croit que rien ne peux changer dans l'autre hémisphère, mais on l'inonde de produits tels que les cigarettes, le téléphone portable et le "coca-cola" pour les rendre dépendants du nord. »
Voilà qui résume la situation. Affaire à suivre... Chà !

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